Rapport scientifique de la manifestation annuelle 2011 du Technion France sur la Médecine Personnalisée

Manifestation scientifique annuelle de l’Association Technion France

« Le Technion Relève les Enjeux de la Médecine Personnalisée »

Sous le Haut Patronage du Président de la République Monsieur Nicolas Sarkozy

Maison de la Chimie – lundi 12 décembre 2011 - Compte-rendu scientifique

De la journée scientifique organisée le 12 décembre par l’Association Technion France, il ressort que la notion de médecine personnalisée est une avancée majeure dans la tentative d’anticiper, dans la démarche thérapeutique, sur l’apparition du symptôme.

Par le moyen d’une démarche pluridisciplinaire mobilisant les recherches les plus diverses, il devient possible d’élaborer une médecine prédictive dont les applications concrètes sont toutes au bénéfice des patients et, notamment, des patients les plus âgés.

Les progrès accomplis dans la connaissance du génome humain est bien sûr l’un des moteurs les plus puissants de cette démarche qui semble irréversible.

Avant même d’aller plus avant dans la description des perspectives ouvertes par la médecine personnalisée, il faut s’interroger sur ses avantages et ses inconvénients pour l’individu et pour la collectivité.

C’est l’aspect éthique qu’il convient de prendre en compte. Du lancement du projet « Human genome » en 2003 aux premières applications concrètes il  s’est écoulé moins de dix ans. Ce nouveau champ de connaissances ne peut-il pas induire une sorte de dictature de la santé se traduisant par des aspects financiers démesurés en termes d’investissements et de recherche de profit, cette dernière déclenchant une compétition féroce entre les nations.

Pour le patient, que se passera-t-il s’il refuse de savoir. Qui est prêt à connaître ce qui l’attend dans le domaine si intime de la santé ? Le décalage entre l’intérêt manifesté par la population pour ces démarches prédictives et la participation réelle à des tests éclaire cette problématique. C’est le champ de la liberté individuelle qui se trouve ici abordé.

Où se place la personne dans la médecine personnalisée ? La question est légitime. Mais la réponse est difficile car au niveau de la génétique, une personne est le résultat de plusieurs individus. C’est vrai à l’échelle de l’être humain pris en tant qu’individu, c’est vrai aussi à l’échelle des peuples dont l’histoire montre qu’ils sont le plus souvent le résultat de leurs migrations et des rencontres génétiques réalisées par les mariages contractés au sein de populations différentes.

Aujourd’hui, la médecine personnalisée s’exprime surtout en oncologie. Plus de 50% des molécules en développement ciblent précisément une pathologie cancéreuse bien cernée. Elles sont plus efficaces et provoquent moins d’effets secondaires. Le bénéfice est donc évident.

Qu’en est-il hors de l’oncologie ? Dans la prédiction du risque cardiovasculaire ou des maladies neuro-dégénératives par exemple ? On aborde ici la notion fondamentale de « bio marqueurs ».

Qu’est-ce qu’un bio-marqueur ? Rapportée par le docteur Ulrich, la définition  en est simple : c’est une caractéristique mesurée objectivement avec une précision et une reproductibilité suffisantes, évaluée comme un indicateur ou marqueur d’un processus biologique, physiologique ou pathologique, ou de la réponse à un traitement.

Certains bio-marqueurs sont déjà utilisés quotidiennement en cardiologie et le domaine de la recherche active s’étend avec pour perspective une personnalisation accrue de la médecine et des traitements en cardiologie comme ce qui se fait en oncologie.

Le bio-marqueur, quand il est perçu, permet l’amélioration de la prise en charge du patient pour une pathologie donnée. Il permet de prédire son risque de survenue, de la dépister précocement, de la diagnostiquer précisément, de prédire son pronostic et la réponse au traitement, de surveiller son évolution et l’efficacité du traitement. A l’examen, on constate que les bio marqueurs ne sont pas seulement des données objectives d’ordre biologique ou physiologiques mais qu’il y a, parmi eux, des données tenant au style de vie, à l’environnement ou à l’alimentation par exemple. Le tabagisme, en cardiologie, est l’un de ces bio-marqueurs. La génétique et les antécédents familiaux aussi.

On parvient aujourd’hui à définir des stratégies efficaces de diagnostic précoce et d’en tirer les avantages d’une action thérapeutique préventive. On a identifié par exemple le rôle essentiel des phospholipases A2 secrétées dans le mécanisme d’action de l’athérosclérose. C’est un bio-marqueur indépendant dont on sait aujourd’hui qu’il augmente de deux à trois fois le risque cardiovasculaire dans certaine populations. C’est un excellent exemple des progrès de la médecine personnalisée appliquée en cardiologie.

La connaissance de plus en plus précise du génome humain permet de définir une généalogie d’une précision qui défit l’histoire et ses oublis. On peut détecter des pathologies plus prégnantes dans certaines populations ou groupes humains. L’intérêt, et non des moindres, de ces recherches et découvertes est de permettre d’éliminer la notion de race car le génome montre que, même au sein d’un groupe humain parfaitement cernable, le passé des relations exogènes demeure inscrit et que chaque individu, s’il demeure unique, porte en lui ce passé immémorial.

Ce constat fonde la légitimité de la notion de médecine personnalisée. La prévalence particulière d’une pathologie donnée au sein d’une population donnée ne présente alors qu’un intérêt statistique, aux applications préventives et thérapeutiques évidentes.

L’espérance de vie a cru de façon spectaculaire. Elle était de moins de 40 ans en 1750, elle est aujourd’hui supérieure à 80 ans. Et à 80 ans, pour 20% de ces octogénaires, elle est encore de 11 ans.

Cette situation résulte d’une série de progrès accomplis de façon empirique et progressive tout au long des décennies. La prise en compte scientifique de tout ce qui concourt à l’allongement de la vie est inscrite dans la médecine personnalisée. Les pathologies liées à l’âge nécessitent une prise en charge individuelle très précise. Elles sont souvent multiples et interagissent.

Dans les faits, l’allongement de la vie dans des conditions de qualité satisfaisante pour l’individu et la collectivité constitue le but ultime et commun à toutes les recherches fondamentales et appliquées en médecine personnalisée.

Parmi ces recherches, il faut citer les progrès considérables accomplis en matière d’imagerie médicale. La modélisation digitale du corps humain est aujourd’hui d’une précision inespérée.

L’imagerie intervient très au-delà du diagnostic. Elle permettra de créer un patient « virtuel » sur lequel on pourra anticiper les évolutions d’une pathologie, tester des stratégies et observer leurs effets avant de choisir la plus opportune.

Des progrès comparables sont accomplis en pharmacologie. La médecine personnalisée, visant une cible de plus en plus précise, à l’échelle cellulaire, permettra de délivrer le remède là où il sera utile et efficace. Associée aux nanotechnologies, abordées par le colloque scientifique de l’Association Technion France en 2010, la pharmacologie participera, elle aussi, à la révolution.de la médecine personnalisée.

Parmi les pathologies dont la progression statistique inquiète à la fois le public et les institutions de santé, il y a la maladie d’Alzheimer. Que peut-on espérer de la médecine personnalisée dans ce domaine particulier des maladies neuro dégénératives ?

Les recherches se concentrent sur la maladie d’Alzheimer. On définit des bio-marqueurs sanguins qui permettent d’améliorer la précision du diagnostic. Ils se présentent sous forme de kits de diagnostic. La précocité du diagnostic permet une meilleure prise en charge de la maladie et d’en retarder les effets.

 En dehors de la recherche des bio-marqueurs, les patients sont soumis à des tests de mémoire classiques, les bio-marqueurs présentent des valeurs particulières liées à chaque stade d’évolution de la maladie.

Mais la médecine personnalisée permet aussi de cerner des populations dans lesquelles la maladie d’Alzheimer présente des caractères d’hérédité. La génétique prend ici tout son sens. Des recherches très complexes permettent de connaître de plus en plus précisément les gènes impliqués dans la maladie et leur mode d’action. Elles montrent que les maladies neuro-dégénératives sont d’une très grande complexité. Leur connaissance et les progrès thérapeutiques ou préventifs font appel à toutes les techniques de pointe de la recherche, aussi bien en matière de génétique, d’électronique, de neuropsychologie que d’imagerie médicale.

De cette journée scientifique il ressort que les perspectives ouvertes par la personnalisation de la médecine sont immenses. Cette personnalisation est le résultat de l’évolution des recherches qui montrent que chaque individu est un cas complexe à lui seul. C’est vrai dans bien des pathologies et, notamment, en oncologie. Il n’y a pas, comme on le pensait dans le passé, quelques types de cancers mais chaque cancer est particulier et pour un seul organe, on dénombre aujourd’hui plusieurs dizaines de types de cancers. Cela explique pourquoi le domaine de prédilection de la médecine personnalisée est l’oncologie.

Une fois encore on constate que les progrès s’accomplissent grâce à une grande pluridisciplinarité. La mise en commun des connaissances issues de la recherche fondamentale sont un facteur déterminant dans l’avancée des thérapies.

Médecine personnalisée, médecine prédictive, elles portent autant d’espoirs que d’exigences éthiques. Mais c’est là, toujours, année après année, l’ultime conclusion des journées scientifiques de l’Association Technion France.

Quel que soit son domaine et l’importance de ses découvertes, la science est inséparable de l’homme et des valeurs qu’il représente.